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Récit d’une vie : un trésor aux multiples facettes

À l’image des magnifiques pierres précieuses vendues dans sa bijouterie, l’histoire de Pean Taing revêt de multiples facettes. Et alors qu’il s’avère difficile de faire un choix parmi la grande sélection de bijoux offerts dans son magasin, il est aussi ardu de déterminer par où commencer son récit. Tout débute dans les années 40 en Chine, quand les parents de Taing sont forcés de fuir la guerre et, du même coup, d’abandonner des terres agricoles qui appartenaient à la famille depuis des générations. La jeune famille, alors en pleine croissance, s’établit au Cambodge. Les parents ouvrent une bijouterie à Angkor Wat, à six kilomètres à peine du temple de renommée mondiale. C’est là qu’ils apprennent leur métier, tout en vivant dans le bonheur et la paix.
Lorsque Pol Pot et les Khmers rouges saisissent le pouvoir, M. Taing a un peu plus de vingt ans. Une fois de plus, sa famille doit faire un choix déchirant entre la mort imminente et la fuite d’un régime despotique et meurtrier. M. Taing se sauve avec un petit groupe, voyageant de nuit dans des jungles épaisses pour rejoindre la frontière de la Thaïlande.
Leur périple — d’une durée normale deux jours — s’étire péniblement sur cinq jours et cinq nuits. Pour ceux qui n’ont jamais vécu ce genre situation, il est presque impossible d’imaginer ce qu’une telle fuite peut représenter. L’épuisement qui en résulte se manifeste à la fois sur les plans physique, mental et émotionnel.

La jungle est si épaisse que M. Taing et ses compatriotes doivent grimper dans des arbres pour situer le soleil et ainsi déterminer s’ils vont toujours dans la bonne direction. Se déplaçant dans une chaleur extrême, ils ne trouvent pour étancher leur soif que de l’eau de pluie amassée au creux de larges feuilles.
Par chance, le groupe compte en son sein un ancien militaire qui sait repérer les mines antipersonnel, ce qui permet au groupe de les éviter. Une fois arrivé en Thaïlande, Pean Taing vit deux ans dans des installations pour réfugiés. Durant cette période, M. Taing trouve du travail auprès d’une vieille connaissance de sa famille, connue dans le cadre d’une relation d’affaires avec une société thaïe.

À la même époque, le gouvernement du Canada parraine l’entrée de nombreux Cambodgiens au pays, dont M. Taing. Comme la plupart des réfugiés, ce dernier se souvient de la date précise de son arrivée : le 12 janvier 1979. Ses possessions se résument alors aux vêtements qu’ils portent, à un chandail de rechange dans son sac et à 5 $ dans ses poches. Tragiquement, ses parents et sa sœur sont tués par les Khmers rouges — trois victimes parmi les nombreux Cambodgiens ayant connu ce triste sort. On estime aujourd’hui que le conflit a fait entre un et trois millions de morts. difficile.

Au Canada, le premier emploi de M. Taing consiste à tondre la pelouse du cimetière Beechwood. Cependant, il trouve rapidement du travail pour mettre à profit ses compétences et son expérience en joaillerie. Par la suite, il ouvre une bijouterie au centre commercial Rideau, avec un partenaire d’origine hongroise, lui aussi réfugié et spécialisé dans la
réparation de montres.
En 1986, lorsque son partenaire part à la retraite, M. Taing déménage son commerce à la Place d’Orléans, puis, en 2011, il s’installe à son adresse actuelle, au 3007, boulevard Saint-Joseph. Aujourd’hui, on trouve à la bijouterie plus de mille styles et motifs d’alliances de mariage, ce qui constitue probablement la plus grande sélection offerte à Ottawa, et possiblement même en Ontario. Pour cette raison, Taing Jewelers peut satisfaire à tous les budgets et à tous les goûts.

Quand on lui demande ce qu’il conseille aux jeunes entrepreneurs désirant se lancer en affaires, M. Taing marque une pause et réfléchit longuement. Sa réponse démontre qu’il met bien en application ce qu’il prêche. Essentiellement, sa philosophie repose sur deux principes.

Le premier principe est de nature stratégique. M. Taing recommande de réfléchir sur le long terme : « Posséder son propre commerce est parfois difficile. La meilleure chose à faire est de persévérer. Il y aura toujours des
périodes creuses, mais il y aura aussi des moments de prospérité. Il s’agit de bien planifier. » Le second principe relève du service à la clientèle. Jusqu’ici, Taing Jewelers a servi quatre générations de familles dans la grande région d’Ottawa. M. Taing se fait discret, mais il est clairement touché qu’après tant d’années, des familles entières continuent de se fier à lui quand vient le temps d’acheter des bijoux. Il constate que les entreprises modernes semblent négliger certains aspects essentiels du service à la clientèle, y compris l’ajout d’une touche personnelle.
Pourtant, il s’agit là des fondements qui ont servi à bâtir son entreprise. Et ça se voit : le magasin est toujours plein et chaque personne est accueillie chaleureusement, avec une pointe d’humour. Les clients y trouvent toujours exactement ce qu’ils désirent, qu’il s’agisse de jeter un coup d’œil, d’effectuer un achat, ou de faire réparer un bijou ou une montre. D’ailleurs, toutes les réparations se font sur place. « Le bouche-à- oreille et la réputation sont à la base
de tout », déclare M. Taing. Il ajoute, avec un sourire : « Vous ne savez jamais quand vous allez croiser un client.
Quand j’ai dû subir une importante opération, j’ai appris que mon chirurgien était un client de longue date. J’étais
content de savoir que mon magasin lui avait procuré de nombreuses expériences positives.